Domaine de l'Arganeraie

Sur le chemin qui nous conduit à Essaouira, il s’est endormi. Comme je l’ai fait lors de ma première venue dans la cité. Alors, pour perpétuer la tradition, je le réveille pour qu’il aperçoive, lui aussi, le manège des chèvres dans les branches des arganiers. Plus que quelques kilomètres et voilà la ville bleue. Je respire à pleins poumons l’iode de l’océan, je tends l’oreille pour capter les sons si familiers du Maroc.

Pour comprendre le plan de la ville, on se dirige d’abord vers la scala, esplanade de 200 mètres de long, hérissée de canons. En contrebas, la mer se soulève et écume. Le ciel est clair, intense, d’une couleur que nous n’avons pas sur nos côtes françaises pourtant baignées par le même océan. Je vois son œil briller, il sourit intérieurement. On dirige nos pas vers le port, celui qu’on appelait jadis « port de Tombouctou ». Les barques bleues immuablement blotties ondulent. L’air se charge d’odeurs appétissantes de sardines grillées. Je suis aux anges, j’ai eu ma « madeleine de Proust » ! On peut désormais mettre le cap sur le domaine de l’Arganeraie.

Au bout de la route se dessine un haut mur blanc. À notre arrivée, deux lourdes portes pivotent pour nous faire accéder au parc. Cette oasis plantée d’arganiers centenaires à perte de vue recèle de nombreuses essences comme l’hibiscus, le palmier, le bougainvillier et le laurier-rose. Nous nous approchons de la grande piscine aux portes du Riad. Dans un même élan, nous laissons traîner nos mains dans l’eau claire pour évaluer la température. Verdict : 26 degrés.

Le domaine s’organise autour du Riad principal et propose plusieurs choix d’hébergements : villas privatives, appartements ou chambres. Notre repaire, joliment agencé, décline des tons sobres oscillant entre le gris perle et le blanc en passant par l’ocre des tomettes. Le métal en fer forgé y tient une place dominante jusque sur les appliques murales et les lanternes suspendues. La salle de bain tout confort sera des plus appréciables au retour de la plage et des activités sportives. Comme toutes les autres, notre chambre claire et spacieuse s’ouvre sur le jardin. « Koul chi bikhir », tout va bien !

Ici, le mot impossible n’existe pas. Le service de restauration fonctionne matin, midi et soir et propose en général une cuisine locale des plus réjouissantes. Au coucher du soleil, les tajines et les grillades, le couscous et les pastillas se dégustent autour de la piscine ou en salle, dont les larges baies vitrées donnent sur l’extérieur. Le déjeuner, tourné vers une offre légère, s’oriente plutôt à l’international. La constante réside dans la fraîcheur des produits locaux et la remarquable maîtrise d’exécution.

L’équilibre me semble parfait : bonne compagnie, belle table, nid raffiné pour se ressourcer entre deux plongées dans l’univers trépidant, bouillonnant d’Essaouira. Légèrement euphorique, je suis curieuse de recueillir les premières impressions du jeune homme qui m’accompagne. Ses 17 ans l’empêchent de se livrer mais sa mine ravie en dit plus long que les mots. Demain, il y tient, il veut aller à Diabat, village berbère à 6 kilomètres au sud d’Essaouira. De là-bas, une merveilleuse vue d’ensemble sur Essaouira s’offre aux visiteurs. Je devine ce qui anime ce souhait au premier chef : voir de ses yeux les ruines de Dar Soltane, ancien palais envahit par le sable. Il aurait inspiré à Jimmy Hendrix son tube interplanétaire Castles Made of Sand. « Inch allah », avec l’aide de l’équipe du domaine de l’Arganeraie, nous mettrons sur pied cette expédition. Il sera peut-être temps alors d’évoquer le golf Essaouira-Mogador, les cours de photos et l’initiation aux soins du hammam !