À peine a-t-on débarqué, le vent de l’imprévu souffle sur cette cité. On y perd immédiatement le sens du jour, de l’année, de l’époque où l’on vit. L’artère principale fait vite place à des rues, les rues à des ruelles et, quand celles-ci deviennent trop étroites pour que le taxi puisse passer, on poursuit à pied au milieu d’une foule animée. Absorbés par les minutieux détails d’un lacis de plâtre sculpté, d’une lourde porte en bois religieusement peinte, d’un superbe patio pavé de zelliges, on perd tout ses repères. Forcément. On ne sait plus dans quelle direction se trouve l’Océan, où se situe le petit Socco, où est passé son grand frère… Mais on aperçoit au loin l’extraordinaire palais de la Kasbah. Le Dar Sultan n’est plus très loin.
Les épais murs séculaires qui ont vu défiler les siècles successifs restent muets et nous nargueraient presque. Ils reflètent l’âme de la vielle ville. La médina est l’une des plus petites des villes marocaines mais une des mieux restaurées et des mieux conservées. Chaque derb raconte l’histoire de ce lieu où l’on parlait autrefois français, espagnol et arabe. Ici au Dar Sultan, les heureux propriétaires pourraient être polyglottes. Ils ont parcouru le monde maintes fois et sont riches de leurs voyages. Passionnément attachants. Leur maison est à leur image. Généreuse, exotique, captivante, dépaysante, surprenante, unique…
La demeure traditionnelle déploie son incroyable majesté sur l’ensemble de ses trois étages qui scrutent inlassablement le patio intérieur. Les six chambres à thème, bigarrées à souhait, incitent à la douce rêverie. On oublie le temps. Seul le muezzin de la mosquée voisine l’égrène. Il nous rappelle inéluctablement que les heures défilent vite. Très vite. Le décor est enchanteur. Il marie habilement harmonie des proportions, magie des couleurs et ornements traditionnels. On plonge dans un univers de raffinement extrême cher aux adresses d’exception. Difficile de ne pas succomber…
Demandez à d’André Gide, Joseph Kessel, Paul Morand ou encore Roland Barthes ce qu’ils pensent de la ville blanche. Je connais déjà leur réponse.