18 heures 16. Il faut un commencement à une histoire, celle-ci commence à 18 heures 16, mais la date n’a aucune importance… ce qui compte, c’est cette chambre que j’avais fini par obtenir au Murano Urban Resort: j’avais eu de la chance, Paris sera toujours Paris et les chambres des beaux hôtels y sont prises d’assaut, tout le temps. L’adresse est connue de tous, mais je suis si distrait… 18 heures 16, je passe devant la façade sans la voir : l’immeuble est discret, tout juste un peu plus blanc que les autres… je le rate évidemment en cherchant les ors d’une adresse clinquante. Le Marais est à droite, le très néo-central Canal Saint Martin, à quelques minutes de l’autre côté du Boulevard du Temple, République derrière moi, Bastille en face… Paris sera toujours Paris : évident sur les cartes, agaçant pour l’incorrigible rêveur que je suis.
18 heures 59. Passage par Bastille, retour sur mes pas – je suis passé par là parce que c’est joli ! – je pousse la porte du Murano Urban Resort. Du gris parisien, on passe au blanc. Au blanc tropézien, parce que la rime est jolie, et parce qu’en toute saison, ce blanc a un goût d’été : alors le blanc du Murano Urban Resort est parisien, et tropézien. Et les gens qui se pressent sous la verrière ont l’allure de ceux qui vivent au rythme des élégances, ils sont ici ce soir pour un cocktail organisé par un créateur en vogue, et ils se retrouveront cet été dans l’autre maison que tiennent les promoteurs du Murano Urban Resort… le très couru Kube de Saint Tropez. Pour l’heure, les élégantes ont sorti la collection automne-hiver de l’année prochaine, et elles se prélassent dans un chesterfield géant, et blanc, celui-là même qui a occupé depuis 10 ans les pages de tous les magasines de décoration, des livres de cuisine et des revues de tendances qui comptent. Le Murano Urban Resort fait partie de ces lieux hybrides inclassables : un temple du design, le meilleur bar d’hôtel de France, un restaurant qui ne désemplit pas, et un refuge de luxe inscrit depuis son ouverture en 2003 dans la liste très exclusive des Design Hotels.
19 heures 12. Du blanc du hall, on passe à l’obscurité des couloirs, et au blanc des chambres. L’hôtel emprunte son nom à l’île des souffleurs de verre voisine de Venise : il y a des miroirs et des lustres géants partout, et ce jeu du pâle et du baroque est envoutant. Je m’écroule sur le lit géant, le temps d’écrire quelques mails, de m’abrutir du meilleur de la télévision mondiale, et de pester contre les compagnies aériennes. Ne m’attends pas pour dîner, mon vol est retardé, j’arriverai très tard, m’écrit celle qui devait me rejoindre ce soir… nous en serons quittes pour un brunch à deux, demain : c’est un des meilleurs de Paris.
20 heures 51. Je reprends pour quelques heures mes habitudes de célibataire : ne rien décider en profitant du confort impeccable de ma retraite solitaire, prendre une douche un peu longue, à nouveau, ne rien décider, imaginer les rencontres qu’un tel endroit peut suggérer, réserver une séance pour ma moitié, demain, et céder à la faim. Paris sera toujours Paris, et le Murano Urban Resort est une table renommée.
23 heures 47. Orange Mécanique ? 2001 : l’Odyssée de l’Espace ? L’Elysée revu par Pierre Paulin ? Le décor du restaurant est invraisemblable et une bouteille de Saint Joseph choisie parmi les centaines que comporte la carte pour accompagner la cuisine de Loïc Montel a raison de mes références architecturales. Sous un des immenses stalactites qui ornent le plafond, je suis le seul à dîner tout seul… et on m’observe. L’endroit se prête aux soupers à deux, alors forcément, ma solitude intrigue, et on me rend mes sourires. Paris sera toujours Paris et on brise la glace facilement dans de tels endroits. On se parlera plus tard, au bar.
25 heures 57. Ma solitude n’a pas duré, les dîneurs noctambules m’ont rejoint dans le meilleur bar d’hôtel de Paris. Je cède aux charmes d’une Russe, puis sans scrupules à ceux d’une Polonaise… à moins qu’elle soit Lituanienne ? L’Europe de l’Est est particulièrement bien représentée ici : 180 sortes de vodka qu’on choisit sur une tablette Androïd composent la colonne vertébrale d’un lounge conçu comme la première ou la dernière étape d’une nuit parisienne. Paris sera toujours Paris… le bar du Murano sera l’Alpha et l’Oméga de ma soirée. Un nouveau SMS de mon amoureuse m’annonce son arrivée imminente…