Hotel Eros ★★★★

Les marins grecs et romains pensaient en effet que l'île avait été forgée par le dieu Vulcain. Détruite par une éruption volcanique en 1886, il semblerait qu’elle soit aujourd’hui peuplée par de drôles d’énergumènes provenant peut-être de la fameuse « Vallée des monstres ». A y regarder de plus près on s’aperçoit que ce sont des curistes plongés dans les bains de boue pendant de longs moments pour ses vertus thérapeutiques. Le rinçage se fait à quelques pas de là, dans la mer de la baie orientale, où les fumerolles sous-marines tiennent lieu de jacuzzi. Nous avons confirmation sur la plage en voyant les corps séchés se faire dorer sur le sable noir ou déguster une bonne pizza. Ce sont des touristes qui comme nous ont débarqué en hydroglisseur pour découvrir ce paradis né de l’enfer.

Le village de Porto-Levante se situe carrément au pied du volcan, défiant la colère du monstre assoupi. Le désert d’autrefois a été remplacé par de jolies maisons de pêcheurs et de luxueuses villas, souvent blanchies dans un curieux contraste avec le noir du sol. L’Hôtel Eros est quant à lui composé de bâtiments roses disséminés dans un jardin méditerranéen à quelques pas de la mer, entre la plage noire de la Baie du Ponente et les eaux chaudes de la Baie du Levante. Au milieu des palmiers trône une belle piscine de style gréco-romain. Selon le moment de la journée nous sommes attirés par les chaises longues du solarium sur la pelouse ou par les fauteuils en rotin à l’ombre du porche.

Cette petite enclave paisible et colorée héberge 25 chambres réparties autour de patios. Leur style balnéaire apporte un peu de fraîcheur avec des sols revêtus de céramiques peintes à la main, l’air conditionné et une sortie sur une terrasse aménagée de tables et chaises où l’on se surprend à rêvasser devant le spectacle du volcan. Le wifi est gratuit, j’en profite pour me renseigner sur cette île étonnante. J’apprends que l’on fait le tour du cratère en 1 heure et que le centre du volcan est à 300 mètres. C’est tout à fait faisable surtout que l’on m’avait conseillé de prévoir de bonnes chaussures pour parer à l’absence de voitures et de motos, interdites sur l’île sauf pour les 750 autochtones. L’hôtel propose également de nous louer des vélos, des kayaks ou un bateau pour découvrir les paysages escarpés depuis la mer.

Nous découvrons que la "vallée des monstres" existe bel et bien, c’est un îlot relayé à Vulcania par une mince bande de cendres et habité de sculptures laviques associées à des silhouettes d’animaux. Libre à vous d’y voir ce que votre imagination vous dicte. Comme le font les dessins à l’encre de certains psychologues elle dévoilera peut-être votre état d’esprit. Le nôtre est principalement émerveillé par ce pays de l’étrange qui côtoie le charme de l’Italie. Nous ne pouvons pas bouder le plaisir transgressif d’un bain de boue chaude et gluante au lac du Fanghi. Après s'être bien badigeonnés nous plongeons dans la mer limpide, réchauffée par des solfatares sous-marins. Une multitude de bulles vient éclater à la surface, l'eau est tiède, un régal.

Le vrai régal reste toutefois la cuisine sicilienne. Au restaurant en plein air de l’Hôtel Eros, antipasti, pasta et fruits de mer cuisinés avec de l’origan, des olives et des légumes du soleil, surtout l’aubergine, la reine du sud. Le poisson est traditionnellement préparé à l'huile d'olive assaisonnée d’ail, de câpres, de chapelure et d’orange. C’est frais et délicieux.

Il est certain que nos photos de vacances ne ressembleront pas à celles de tout le monde après ce séjour balnéaire d’un autre genre. Elles montreront des cristaux se soufre et des écharpes vaporeuses de gaz, mais elles ne pourront malheureusement traduire l’intense silence à l’intérieur du cratère et les lumières de premier matin du monde… A vous d’aller vivre l’expérience.