Le Portugal est un pays unique. Aux confluents de la Méditerranée et de l'Atlantique, il épouse à la fois la retenue de ses semblables galiciens, bretons et gallois et propose en même temps cette chaleur si propre à son voisin espagnol. Terre de contrastes, le Portugal ne lasse pas de surprendre et entraîne ses visiteurs sur des rives inexplorées. C'est l'esprit de Vasco de Gama, ce mythique navigateur portugais qui vous rattrape et qui vous accompagne dans chacun de vos pas lusitaniens. J'aime particulièrement l'Algarve, qui lorsque l'on s'éloigne de ses plages touristiques, offre des petits coins perdus et sauvages, très propices à la détente et au repos, surtout hors saison estivale et notamment dans les Pousadas dont regorge le pays. L'esprit de ces hôtels de charme portugais me plaît beaucoup. Hébergement de petite capacité situé dans un cadre idyllique, leur service est axé sur l'authenticité et le sur-mesure, ce que je recherche absolument lorsque je voyage.
En arrivant à la Pousada de Sagres, j'ai vu tout de suite que je serai dans mon élément. La bâtisse, construite à flanc de falaise, bénéficie d'une vue somptueuse sur l'océan adjacent. Hôtel de petite capacité, son intimité est accentuée par le service irréprochable du personnel qui fait de ce lieu une adresse unique. Dans la chambre, j'ai tout de suite été charmée par la terrasse vue mer qui donne une impression totalement marine à ce lieu préservé. Je pris place dans le fauteuil installé sur le balcon et je commençai la lecture de Fernando Pessoa, polyglotte et francophile, dont la lecture m'avait été conseillé par la femme de l'ambassadeur portugais à Alger où je vivais à cette époque. J'aime bien me pencher sur les auteurs classiques du pays que je visite car cela lui donne tout de suite une couleur différente. Je jetai mon dévolu sur le poème "le Marin" issu d'un recueil édité dans la Pléiade, juste magnifique. Je souriais d'ailleurs en descendant l'escalier qui mène au restaurant et en songeant au ver que je venais de lire et que je trouvais très approprié au lieu. “Pourquoi est-ce que l’unique chose réelle dans tout cela ce ne serait pas le marin, et nous, et tout ce qui est ici, seulement un de ses rêves ?”
En dégustant le loup de mer fraîchement pêché, je songeais encore à ces mots. Le milieu marin est pour moi, en tant que bretonne, une source inépuisable de délices au sens propre comme au sens figuré. Dans ce décor traditionnel de l'architecture portugaise, je me sentais dans mon élément, et la douce langueur qui me prenait en dégustant mon "copo de vinho" me donnait envie d'y passer la nuit ... Le lendemain, au petit déjeuner, en prenant une carte du coin, je décidais d'explorer les alentours, souhaitant bénéficier du temps clément qui s'annonçait. J'appréciai particulièrement le Cap Saint-Vincent, à quelques encablures de l'hôtel, qui a vu pleins de peuple différents en faire un lieu de culte et du sacré. Les Phéniciens, les Romains, les chrétiens - à travers la sépulture de Vincent de Saragosse - ont marqué le lieu de leur empreinte. Le phare lui apporte aussi une dimension extrêmement poétique et le son de la corne de brume en ce matin d'automne me fait rêver à des ailleurs lointains.
Après ces quelques jours d'exploration de fin de terre, non pas cette fois-ci au cœur de mon Finistère, je regagnais Paris l'esprit apaisé mais les sens en éveil. Le fracas de la ville m'apparut dans son jus le plus profond, lors de ces heures en soirée où la cité s'agite dans tous les sens. C'est une fois dans la quiétude de mon appartement, après un dîner léger et après m'être enfoncée dans mon fauteuil pour terminer la lecture de Pessoa, un verre de porto à la main, que je retrouvais enfin la tranquillité.